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LEURS FIGURES

ruban de la Légion d’honneur jouir dans l’Ariège du bien-être que lui avait constitué son industrie. (Il est vrai que le 23 mai la cour d’assises devait condamner Arton par défaut à la dégradation civique, à cinq ans de prison et à 400,000 francs d’amende « attendu qu’il est suffisamment établi qu’en mars et avril 1888 il a corrompu par ses promesses et présents M. Sans-Leroy, député ». — Voilà donc le même fait certain ou faux, selon les besoins de l’intrigue. La tragédie, qui rapidement s’était faite comédie, devient une basse bouffonnerie…)

En sortant du greffe, les acquittés se rendirent chez l’un d’eux qui offrait un lunch, comme c’est la coutume après un mariage ou une réception académique. Le mot d’ordre avait couru : « Antonin Proust recevra après la cérémonie. » Arrivés en fiacre successivement, ils trouvèrent sur le trottoir les camarades tout échauffés. Poignées de mains, quelques vivats, de larges tapes dans le dos :

— Ce pauvre vieux ! Le coffre est toujours bon ?

L’histoire aussi était sur le trottoir et, quand le magistrat relâche ces parlementaires, elle les retient. Un instant, pas davantage. Puis elle les livre à l’oubli dédaigneusement confondus avec les « non-lieu ». La France, volontiers, contemplerait les cages où cent quatre députés