Page:Barrès – Leurs Figures.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
259
VAINES DÉMARCHES DE STUREL

fiévreux, couché sur ses collections, palpant avec sensualité d’ignobles papiers froissés, achetés, volés, excellents pour déshonorer, souverains pour faire chanter ! Sturel guidé par ce juif vit les cuisines du grand festin parlementaire où s’assoient trente convives dont l’histoire officielle n’enregistre que les toasts.

Cornelius Herz avait dépensé 78,000 francs de photographies. L’Angleterre lui garantit sa sécurité moyennant livraison de ses dossiers, et cela explique diverses particularités de notre histoire intérieure depuis 1893. Il fut moins généreux envers Sturel. Arrivé à ces régions principales, au cœur de son empire, il ne laissa plus son hôte prendre aucune copie. Son groupe, son refuge, sa vie, aujourd’hui comme hier, c’étaient toujours les chéquards : à perdre ces ingrats, il se fût détruit lui-même et mis tout nu sur le pavé. Aussi, en promenant Sturel dans le plus riche arsenal et bien que dévoré du désir de se venger, il se bornait à lui répéter :

— Voyez mes armes ; dites bien à tous que je puis me défendre.

Sturel apprit que, depuis quinze ans, rien ne s’était fait en France sans pots-de-vin distribués aux députés et aux ministres. Herz, mêlé à toutes ces abjections, rendait en même temps des services. On pouvait le traiter de fripouille, on ne pouvait nier qu’il possédât la confiance des Crispi, des