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VAINES DÉMARCHES DE STUREL

Il parlait un jargon anglo-franco-allemand que nous n’essayerons pas de reproduire. Une grosse moustache tombait sur les forts maxillaires de sa figure grasse, ronde et blême. Ni son nez, ni ses yeux au regard dur et perspicace, ne semblaient d’abord juifs. Les cheveux grisonnants étaient coupés ras. Des papiers Massés sur lesquels il étendait son bras couvraient une grande table contre son lit. Les circonstances préparaient Sturel ; sa première impression ne fut ni le malaise, ni la curiosité, ni l’émotion tragique, mais une sorte de haut sentiment d’être né sur le sol de France d’une honnête lignée. Il ne regarda point ce malade, entouré de sa femme et de ses enfants, avec humanité, mais avec cette froide indifférence, facile à transformer en haine, qui sépare les représentants de deux espèces naturelles.

D’ailleurs il reconnut immédiatement un vrai malade. Cornelius avait le diabète avec une affection cardiaque. Seulement, son père, âgé de 86 ans, souffrait de la même maladie.

Avec une légère fébrilité, mais en homme pratique, Herz fît installer Sturel commodément auprès de la table, où du papier, de l’encre, des crayons attendaient. Il débuta par préciser sa nationalité.

— Je suis né à Besançon le 3 septembre 1845. Mon père et ma mère s’étaient mariés dans cette ville en 1844 (Herz ne dit point que c’étaient des