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LEURS FIGURES

sait Delahaye, par la conscience d’avoir rendu un grand service. Il se ceignait les reins et l’autre délaçait un peu son harnais de guerre pour raconter ses prouesses.

— Bah ! continuait Delahaye, je ne goûterai jamais une joie plus intense que celle qui m’inondait le jour où, du haut de la tribune, je voyais se convulser ou blêmir tous ces visages de coquins. Heure trop courte, où je contemplai ces rages impuissantes, ces âmes affolées ou effondrées ! Mais ce n’est pas non plus une jouissance banale de suivre de son foyer tranquille, au fond d’une campagne solitaire, en philosophe, en artiste, le développement politique et moral d’un modeste discours.

— Ils crèveront, disait Sturel.

— Ils crèveront, répétait Delahaye.

Fort avant dans la nuit, ils s’accordèrent sur deux points : 1° il faut le plus tôt possible, par une démission en masse, arracher une dissolution ; 2° la vérité repose chez Arton, chez Cornelius Herz et chez les administrateurs : le gouvernement négocie leur silence, négocions pour qu’ils parlent.

Sturel quitta Tronget au matin. Il dut attendre à Moulins, de neuf à onze heures et demie, le train de Paris. À peine sortait-il de visiter le Mausolée d’Henry de Montmorency (décapité pour