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LEURS FIGURES

sions de foi au rang de plaidoiries. Quelques-uns préfèrent s’assimiler aux militaires : « À la tribune et sur nos bancs, disent-ils, nous sommes de service commandé ; hors séance, nous redevenons des collègues. » Entre collègues, Suret-Lefort saisit cette loi dominante : qu’on ne vote jamais d’après son sens propre et sur la question présentée, mais toujours pour ou contre le ministère. Il s’appliqua dès lors à suivre, derrière les arguments de façade et la mise en scène des séances, l’élaboration des couloirs, et, sous les motifs étagés, il descendait de deux, de quatre degrés, jusqu’à la cause réelle.

Deux hommes, fort différents de valeur et de situation, le baron de Nelles, un « rallié » avant le mot, et Bouteiller, radical de gouvernement, aidèrent beaucoup à son éducation.

M. de Nelles ne qualifiait jamais un collègue par son attitude politique, mais par les affaires où il le savait mêlé. En fumant un cigare avec Suret-Lefort, dans l’embrasure d’une fenêtre, il déballait ses éruditions : « Rouvier, oh ! celui-là !… Et ce brave Thévenet !… et l’excellent Jules Roche ! » Qu’on soit agent électoral dans un arrondissement ou chef de groupe à la Chambre, le maniement des hommes nécessite beaucoup d’argent : des dîners, des secrétaires, des journaux, et surtout de la générosité. C’est pour être généreux que tant de parlementaires sont malhon-