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GÂTEUX DEPUIS PANAMA

quête et le juge d’instruction leur versaient une terrible douche écossaise d’espoir et d’épouvante alternés. Dure perspective d’échanger une circonscription législative contre une cellule de maison centrale ! C’est fait pour tuer le sommeil et exacerber les nerfs des plus solides. Et quand la suite des événements sauverait ces malheureux, elle ne pourrait pas réparer le profond dommage porté à leur sensibilité. Ces ébranlements, que sur l’heure ils dissimulent tant bien que mal, peu à peu révéleront leurs ravages. Beaucoup en deviendront gâteux.

Gâteux depuis Panama ! Le beau titre que les éloges funèbres négligent, mais que l’histoire enregistre ! Sturel, qui voyait se faire cette déliquescence, en prenait une arrogance sous laquelle pourtant il demeurait inquiet. Il jouissait mal de ces bonheurs, car rien n’en sortait de clair. Il se mourait d’impatience. Il voulait qu’on terminât ; il appelait le coup de poignard.

Au dernier acte d’une course en Espagne, quand l’espada a mal planté son épée et que, demi assassiné, le taureau blanchit d’écume et beugle, on voit, pour en finir, le cachetero sauter par-dessus la barrière. Le coup de grâce ! Le couteau court et atteint la moelle : la bête tombe, lourde, foudroyée. À cette seconde, un jour, aux toros de Séville, près de Sturel, une belle jeune fille trouva l’un de ces gestes impurs de volupté qu’il y a dans