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LEURS FIGURES

Carnot pensa qu’un injuste silence valait mieux que les tonnerres de la Justice.

Si le président de la République adressa à M. Baïhaut quelques observations sur le devoir et sur l’honneur, celui-ci dut se promettre de les utiliser dans son prochain discours de vice-président à la « Société nationale d’encouragement au Bien », car sur « le devoir et l’honneur dans la vie », sept mois auparavant (en mai 1892), lors de la distribution des récompenses au Cirque d’Hiver, il avait lui-même laïussé, comme disent entre eux les polytechniciens.

Cependant toute la France suivait l’atroce duel. On écrivit de province à M. Armengaud : « Je puis vous affirmer qu’en juin 1886 M.  Baïhaut a fait un dépôt de 375,000 francs au Comptoir d’Escompte, Renseignez-vous près du caissier. » M. Armengaud nous dit qu’il refusa « le rôle de délateur ». Ni de près, ni de loin, il n’avertit le juge. Celui-ci pourtant fut informé. La scène fut magnifique quand Baïhaut, que le magistrat interrogeait de l’air le plus naturel, commença de nier sans un frémissement, avec une voix moyenne d’aimable homme un peu importuné, et que soudain, de la pièce voisine, le caissier surgit. Le concussionnaire s’effondra.

Sur Baïhaut terrassé, tous ses amis se jetèrent. On eût dit d’un poulailler qui se rue sur un poulet malade, mais c’était plus réfléchi : ils voulaient,