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GÂTEUX DEPUIS PANAMA

ment. Parfois pour rien, pour le plaisir, on se plaisait à brimer ces « sans famille ». À la surface de ce marécage, des gaz infects venaient crever du plus profond des consciences. Un jour qu’on parlait d’une seconde charrette imminente, Renaudin, en traversant les bancs pour gagner sa place, dit très haut à M. de Nelles :

— Qu’avez-vous donc, baron ? vous êtes tout pâle.

— Mais non, mon ami, répondit le pauvre homme dont la main sur la table faisait machinalement le geste de donner des cartes.

Et Renaudin d’insister en élevant la voix. Suret-Lefort, peu sentimental pourtant, fut choqué.

— Oh ! Renaudin, nous nous sommes assis à sa table.

— Je me paie, dit le cruel garçon, de ses larbins, de ses fleurs et de la baronne.

Bouteiller, un pied dans le piège à loup, gardait ses allures de grand gibier. Il n’avouait même pas qu’il y eût une crise parlementaire. Tout au plus une crise de lâcheté :

— Chacun veut la lumière, déclarait-il dédaigneusement, à condition qu’elle nuise au parti adverse.

Il ajoutait :

— La Chambre continue à jouir de toute son autorité auprès du pays. En dépit de quelques