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LEURS FIGURES

Tous ces suspects d’ailleurs réagissaient de manières variées. La plupart semblaient fermement décidés à ne plus vivre qu’à quatre pattes, par humilité, et pour n’être pas vus des gendarmes. Quelques-uns agités, d’allure provocante, passaient, repassaient, piaffaient, la tête haute ; ils prétendaient intimider les petits papiers par des duels énergiques ; pour s’étourdir, avant de venir en séance, ils buvaient ; le soir, ils couraient les maisons publiques. Effronterie, mais non pas force ; c’est la manière des criminels vulgaires. Tous, s’ils cherchaient devant le public à farder leur mine, dans l’enceinte du Palais-Bourbon s’essuyaient le front, les lèvres et se moquaient que cette société fermée connût leur cas. Le mal de mer poussé à ses limites abolit tout sentiment de pudeur, et le pauvre être débordé par l’angoisse s’étale devant les passagers, s’abandonne aux gens d’équipage qui le portent, l’essuient, le couchent. Cinquante députés manquaient d’estomac. Ballottés par les journaux, par la Commission d’enquête, par le juge d’instruction, ils avouaient aux regards « ce qu’ils avaient dans le ventre ».

Autour des plus notables, les clients se groupaient : ils suivaient leur malheureux patron jusqu’à la première porte interdite au public ; ils l’attendaient et le défendaient dans la salle du Laocoon ; à la sortie, ils le renseignaient. Mais des petits chéquards, chacun se détournait dure-