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LEURS FIGURES

C’est vrai que depuis quatre jours ce héros créait l’union nationale. Vers cinq heures du soir, quand il rentra indemne dans la Chambre, elle l’accueillit par une sorte d’ovation. Cette assemblée démoralisée appelait un maître qui l’amnistiât.

Dans cette période immorale, le Palais-Bourbon offrit du moins un incomparable parterre. Pour faire pousser ces fleurs saisissantes, il avait suffi qu’Arton arrosât et que Delahaye soufflât. Deux cents députés, reconnus dans la rue, obligés de changer de restaurant, épiés par leurs domestiques, reniés par leurs amis, avaient des jambes si flageolantes et des physionomies si parlantes que de leurs bouches, comme dans certains dessins ingénieux, une banderole s’échappait : « Je suis un chéquard et j’ai touché tant. »

L’histoire put prendre de belles photographies : Bouteiller, plus blanc que le journal qu’il essayait de lire ; Rouvier, seul comme un sanglier ; Proust définitivement décoiffé ; Baïhaut quêtant un certificat comme il en avait tant distribué sur l’estrade de la « Société pour l’encouragement au Bien » ; Bourgeois levant les bras au ciel ; Ribot supportant avec une aménité toute philosophique l’ignominie dont il couvrait ses coreligionnaires, parmi lesquels Jules Roche lui ruait dans le ventre.

Celui-ci en huit jours fit un vieillard ; de cet