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LEURS FIGURES

« bien à raison de l’étrangeté, de l’inexplicable mystère de sa nomination.

« Qui donc, parmi nous, est venu lui proposer de lui faire place dans nos rangs ? Qui donc a, peu à peu et si vite en même temps, introduit, patronné, nationalisé en France cet étranger ? Car vous vous rendez bien compte qu’il ne s’est pas présenté tout seul, que ce n’est même pas un autre étranger qui l’a pris par la main et poussé au milieu de nous ; il y a fallu un Français ! Un Français puissant, influent, audacieux, qui fût tout ensemble son client et son protégé, son introducteur et son soutien.

« Sans patronage et sans soutien, le petit juif allemand n’aurait pas fait de telles enjambées sur la route des honneurs, il n’aurait pas mis si peu d’années à sortir si complètement, si brillamment, de son bas-fonds. Je le répète, il lui a fallu un présentateur, un ambassadeur pour lui ouvrir toutes les portes et tous les mondes, le monde politique surtout…

« Or, ce complaisant, ce dévoué, cet infatigable intermédiaire, si actif et si dangereux, vous le connaissez tous, son nom est sur toutes vos lèvres ; mais pas un de vous, pourtant, ne le nommerait, car il est trois choses en lui que vous redoutez : son épée, son pistolet, sa langue. Eh bien ! moi, je brave les trois et je le nomme : c’est M. Clemenceau. »