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LEURS FIGURES

papiers de Reinach ; mais son cadavre, pourquoi le disputer aux curiosités populaires ? Après vingt jours, feu Reinach ne livrera plus aucune trace de suicide ou de crime. Il amusera, il divertira, au vieux sens classique, les sombres curiosités qui traquent les chéquards. Nous ministres, en don de joyeux avènement, nous décidons qu’à Nivilliers, le 10 décembre, il sera procédé à l’exhumation et à l’autopsie de notre regretté banquier.

Cravaté de blanc et vêtu de son frac, le baron sortit du cercueil. On l’installa dans une baraque en planches improvisée pour la circonstance. Les reporters, avec leurs doigts gourds, prirent des croquis à travers les fissures de la cloison et firent voir à la France intéressée la tête couverte d’un suaire, le ventre ouvert, les mains qui fouillent, les bocaux qu’on remplit. Souffle empesté, mais souffle d’épopée ! N’atteignent-ils pas à quelque grandeur par leur bassesse même, à une infamie shakespearienne, ces parlementaires qui déterrent leur ami pour amuser la curiosité publique ? M. Ribot fréquentait les chasses du baron de Reinach à Nivilliers, et voici la curée froide qu’il organise avec les lambeaux faisandés de son pauvre camarade !

On voit à Séville un tableau de Valdès Leal exécuté sur l’ordre du fameux don Miguel de