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LEURS FIGURES

resques ou tragiques, cette chasse exaltante passait à la tribune, dans le bureau de la Commission d’enquête, à travers les couloirs. On crut à certains jours qu’elle descendrait dans la rue.

Ce fut d’abord Delahaye que la Commission entendit (25 novembre). Sa déposition, ou mieux sa leçon d’ouverture, présente un modèle de cette logique qui, peu à peu, nous étreint jusqu’à l’angoisse dans les constructions littéraires d’Edgar Poe. Le député de Chinon commanda froidement à la Commission d’enquête une longue suite de démarches minutieuses et mystérieuses qu’elle devait exécuter point par point et sans chercher à comprendre. Cette ingéniosité confinant à la mystification se retrouve à la même date chez Drumont, quand il empoisonne goutte à goutte le festin parlementaire, et chez Andrieux qui ridiculise courtoisement ses victimes toutes suantes.

Ces messieurs s’attardaient à donner et à retirer l’espoir aux parlementaires épouvantés. De tels suspens, volontaires ou non, loin de lasser, soutenaient la fièvre publique par une perpétuelle « suite à demain ». Et quand la Libre Parole se fit forte de prouver que le député Proust, pour cinquante mille francs, et le sénateur Béral, « pour une somme assez ronde », avaient vendu leurs votes à Reinach, la France se pencha toute pour entendre la réplique, la preuve et la contre-réplique.

Antonin Proust pouvait choisir entre un silence