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L’ACCUSATEUR

Magnifique jeu de scène ! Delahaye maintenant désignait du doigt les concussionnaires. Oui, son doigt, que six cents parlementaires suivaient, cherchait sur leurs bancs les criminels épars. Au pied de la tribune, au banc ministériel, il voyait Freycinet de qui les yeux ne le quittaient pas. Celui-là, confident avec Clemenceau et Ranc du secret de Cornelius, par sa gravité et son à bout d’haleine, fit mieux qu’aucune fureur de la Chambre sentir à Delahaye quels mystères il effleurait. C’est Rouvier qui montra la plus riche nature. Son regard, sa bouche, son front, tout chargés d’aveux insolents, défiaient, tutoyaient l’Accusateur : « Continue, redouble, et puis quoi ? » Quant à Loubet, au long de cette séance où il agit sensiblement au petit bonheur, chacun lui reconnut l’air d’un niais éperdu.

Nul tableau ne peut restituer cette pantomime tragique de l’Accusateur, menant tous les regards aux quatre coins de la Chambre ; et la plus savante excitation à la haine, pas même le bruit des fusils qu’on arme, ne vous remuerait aussi profondément que fit, en cette séance, le timbre furieux de ce cri : « Les noms ! Les noms ! » vociféré par une centaine de simples coquins contraints à réclamer une preuve qu’ils tremblaient qu’Arton ou Reinach n’eussent vendue.

Et de quel coup de voix aussi Delahaye répliquait à sa meute :