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LEURS FIGURES

Dans un affreux silence, le président Floquet, tout pâle, s’est levé :

— L’ordre du jour appelle la discussion des interpellations… sur l’affaire de Panama. Chacun, ami ou ennemi, ressent les voluptés atroces de la peur par sympathie.

— Messieurs, avant de donner la parole…

Ici, tel est son trouble, que ce président expérimenté s’embrouille, confond avec les interpellateurs les orateurs inscrits pour leur répondre. De cette séance et de quelques autres qu’il va subir, son cerveau se liquéfiera. Un jour, on verra Floquet balbutier à la tribune, se taire, descendre, égaré. Aujourd’hui, il se reprend et d’une voix émue :

— J’affirme devant la Chambre que, dans les circonstances dont on a parlé, non seulement je n’ai exercé aucune pression sur qui que ce soit, non seulement je n’ai rien exigé, mais je n’ai rien demandé, je n’ai rien reçu, et je n’ai rien distribué.

Quels applaudissements ! quel triomphe ! et dans toute la Chambre, car il n’est pas mauvais, ce vieil homme, et tous ces gens amollis par des mœurs avocassières viennent de souffrir à voir ses mains qui pétrissaient la tablette de la tribune.

L’auteur de ce livre sait que ce Floquet dans sa fleur, et quand il était une bête ardente, n’eût pas eu pitié de ses adversaires, et pourtant, après qu’il est mort dans la pire déconfiture, nous ne