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JOURNÉE D’AGONIE DE REINACH

brusquement et, sans s’inquiéter de Suret-Lefort qui l’abordait, il dit au chef des radicaux qu’il voulait lui parler. Les deux hommes allèrent s’asseoir à l’écart.

D’après la version que MM. Rouvier et Clemenceau donnent de cet entretien, Rouvier aurait dit :

— Je viens de passer chez vous. Le baron de Reinach se trouve dans un état mental très fâcheux par suite de la polémique de la Libre Parole et surtout de la Cocarde. Il paraît être dans un de ces états d’esprit extraordinaires qui permettent les résolutions les plus graves.

Suret-Lefort, debout à une petite distance, attendit quelques instants. Il toussait, hésitait, avançait, reculait ; puis n’osant pas interrompre ce tête-à-tête, il entra en séance.

Ils sont tous là, les amis de Reinach ! Tandis que leur chef chancelant bat le pavé de Paris, ils accourent supporter le choc des étemels boulangistes. Les capitaines de la bande (c’est-à-dire les députés qui distribuèrent à leurs collègues les subsides panamistes) ont donné le mot d’ordre : c’est d’enterrer l’interpellation Delahaye. Les solitaires eux-mêmes (ceux qui touchèrent sans l’entremise d’Arton, de Reinach et des capitaines) comprennent d’instinct la tactique et marcheront au canon. Ce chaos dissimule une admirable discipline ordonnée par la peur et par la haine.