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AUTOUR DE LA GARE DE LYON

chef ; mais, très pratique et peu préparé aux spéculations de légiste, il ne porte pas son esprit sur le vice de la Constitution. À cette date, il n’a aucune vue sur la forme du gouvernement. Sans doute, il trouve détestable que le ministre de la Guerre, chef d’un service non politique où la continuité de direction est nécessaire, suive le sort du cabinet, au hasard d’un vote qui ne le vise pas, mais, en somme, il a pu faire du bien avec le système parlementaire, et il s’en accommodera fort loyalement encore, quand il aura brisé l’intrigue de M. Ferry, qui, partisan de l’entente avec l’Allemagne, le sacrifie à Bismarck.

Optimisme incomparable, et sur toutes choses ! Cet heureux militaire partage l’état d’esprit des lecteurs de l’Intransigeant qui croient avoir beaucoup avancé les affaires de leur favori en l’acclamant frénétiquement, quand ses ennemis lui reprochent le crime de popularité. Les foules ne trouvent rien d’extraordinaire à l’idée qu’il va saisir le pouvoir, reprendre Metz et Strasbourg, faire le bonheur des petites gens et donner la gloire à la France. Elles suivent avec attention la marche des affaires publiques dans les journaux pour y découvrir des indices favorables à leurs espérances. Elles supposent les conditions du monde réel tout autres qu’elles ne sont : elles se figurent que, sans argent, sans intrigue, par son noble mérite tout pur, leur grand ami peut revenir de Clermont, confondre ses adversaires et saisir le pouvoir. D’ailleurs, elles ne lui passeraient pas les moyens d’une telle entreprise ; elles veulent qu’il triomphe légalement. Et lui aussi, et, dans ce wagon, il pense, avec une sorte de fatuité inquiétante,