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LA FIÈVRE EST EN FRANCE

pal café de Nomeny et de Neufchâteau. Ils y portèrent, ils y puisèrent, au milieu des incompétences, des vantardises et des minutieux soucis d’équipement, des sentiments d’abnégation, de confiance patriotique et de discipline.

Dans cette attente de quinze jours, un sentiment commun se substitua aux soucis particuliers : un état parut, qu’on peut appeler « l’âme nationale ». Elle se tournait vers la frontière, elle attendait un geste de Paris. Qu’ils s’effacent, les comités, les députés, chefs de groupe ! À l’ordinaire, on les applaudit, parce qu’en l’absence, d’un grand intérêt qui fasse centre ils donnent des formes à l’énergie dispersée du pays, et parce qu’ils savent des mots irritants pour humilier les adversaires politiques. Mais aujourd’hui, le seul adversaire, c’est l’étranger ; le seul gouvernement, c’est le chef de l’armée, celui que les villes, les villages, les casernes, les ateliers et, sur le passage voitures, les bergers isolés dans les champs acclament aux cris de : « Vive Boulanger ! »

La France sent où se trouvent l’énergie et l’optimisme nécessaire ; elle n’attend rien de L’Élysée. Quelque temps avant l’affaire Schnæbelé, les Allemands ayant massé des troupes nombreuses en Alsace-Lorraine sous prétexte d’essayer un nouveau fusil, Boulanger, au Conseil des mininistres, proposa de réunir autant d’hommes sur notre frontière. Grévy s’y opposa, disant que c’était la guerre certaine. « Écoutez, dit Boulanger, si nous mobilisons en partant de l’état de paix, quand eux mobilisent du pied de guerre, ils pénétreront au centre du pays avant que nous soyons prêts… J’aime mieux la