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L’ÉPUISEMENT NERVEUX CHEZ LE GÉNÉRAL

— Voilà le thème : à vous la musique ! Boulanger doit posséder encore quelque argent. Pourrait-on acheter des preuves d’Arton ? Vaudrait-il mieux vous entendre avec les Lesseps et avec les Cottu ? Pesez tout cela en famille ; mon rôle est terminé.

L’imagination de Sturel s’échauffa. Il entrevit un chef-d’œuvre de politique. Pour occuper ses journées, la Chambre lui manquait ; le Palais, dont il essayait, lui paraissait fade et commercial après les grandes émotions du jeu boulangiste. Il s’occupait toujours de la propagande doctrinale avec Pierre Denis et la Voix du peuple, mais il craignait de choir, comme Rœmerspacher le lui avait reproché à Saint-James, dans des idées de professeur, dans un boulangisme ex cathedra, et par instants il tenait le traditionalisme de Saint-Phlin pour une école d’impuissance. Irrité chaque jour par les injures d’un monde parlementaire qu’il se savait le droit de mépriser, assuré qu’un boulangisme latent subsistait sous cette longue sécheresse, il entrevit que les concussions panamistes permettraient de ranimer et de venger le parti.

Sans entrer dans le détail, il fit connaître à Jersey qu’il voulait soumettre un plan d’action. « Ne prenez pas la peine de passer l’eau, lui répondit le Général ; pour être en communion plus étroite avec mes amis, et en vue d’une reprise d’activité, je me rapproche de Paris. Je serai à Bruxelles au début de mai. J’espère bien vous y voir. Je vous remercie de vos sentiments dévoués. Nous sommes plus près du triomphe de nos idées que beaucoup de personnes ne l’imaginent. »

On croit voir une lassitude au travers des phrases