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« LAISSEZ BÊLER LE MOUTON »

la réprobation grandissait, on le vit redoubler pour assommer le chef dont il avait possédé la confiance. Sa publication devint le dépotoir de ce qu’une défaite laisse de rancune entre les associés vaincus. Ou eut dit une des voitures qui, pour le service de la voirie, passent chaque matin à nos domiciles. Diverses personnes toutefois hésitaient à livrer gratuitement leurs poubelles. Magnifique émulation ! Un secrétaire du comte Dillon, pour appuyer une demande d’argent auprès de M. Maurice Jollivet, l’ancien caissier du Comité national, menace de publier des révélations ; Hector, domestique du Général, parlera à Chincholle si on ne lui règle pas certains gages. Le groom Joseph affirme que la liste des pourboires qu’il recevait dans l’escalier pourrait gêner bien des personnes. Le cœur de Renaudin palpite ; dès le troisième article de M. Mermeix, il s’embarque pour Jersey. Le moment lui paraît favorable pour aller rôder autour du Général qui doit bien, que diable ! se rendre compte du prix de ses amis.

Boulanger l’accueillit de la même voix familière, du même geste aisé qu’il avait eus pour Sturel. En attendant le déjeuner, il le conduisit sur la plage.

Le député-journaliste déclara qu’il venait s’installer à Jersey pour une quinzaine, afin d’écrire sous la dictée du Général une histoire vraie du boulangisme. Il se faisait fort d’annuler l’« infâme campagne du Mermeix ».

Boulanger refusait d’attribuer aucune importance aux « Coulisses » :

— Plus tard, je ne dis pas. Votre idée est bonne. Mais, pour l’instant, je laisserai bêler le mouton.

Renaudin insistait : une grande histoire populaire