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« PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE, MON GÉNÉRAL ! »

Un horrible silence suivit, où les simples officiers mesurèrent cette défection des maréchaux. Ils n’appréciaient leur défaite comme une réalité que maintenant où ces mêmes voix la proclamaient, qui toujours leur avaient garanti la victoire.

Ainsi, la fougue généreuse de Déroulède, la cruauté correcte de La guerre, la logique irréfutable de Naquet, comme elles annoncèrent, deux années durant, Boulanger, servent aujourd’hui à le dénoncer ! Il a perdu, trahi le boulangisme ? c’est possible, mais nulle éloquence ne convaincra trente auditeurs d’accepter la mort.

Assassiner Boulanger, c’est en même temps assassiner ces députés obscurs, ces candidats ardents, cette boulange enfin qu’aucune lutte n’intimide et qui ne se connaît pas d’autre titre qu’un titre sur le chef du Parti national. Que vient-on leur parler d’un « boulangisme sans Boulanger » ! Ils savent trop quelle campagne ils ont faite, vide de tous principes et simplement sur la popularité d’un homme. Georges Laguerre, admiré par tous les praticiens pour son audace et son activité et qui sembla grandir au milieu du désastre collectif, déclare qu’il va démissionner, en appeler à ses électeurs. Sans doute, il veut obtenir de Grenelle la liberté d’orienter dans un nouveau sens son ambition politique. Mais eux, les petits, ne se sentent pas le moyen de s’offrir ce bain régénérateur. Ils proclament leur fidélité au chef. Gauthier de Clagny, dans une improvisation mémorable, adjure les séparatistes, tandis que, plus bas, d’autres voix dénoncent leur trahison. Deux jours, cette majorité des faibles, presque tout le Comité, se débat sous ces mains d’aînés qui veulent l’étrangler, et