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L’APPEL AU SOLDAT

du sommet, on retrouve les arbres. Le vent, brisé sur eux, ne se faisait plus connaître que par son gémissement. Avec légèreté, je courais le long des petits sentiers où les aiguilles de sapins accumulées font un feutrage aux dures racines des arbres cramponnés sur le roc. La hautaine confiance de ces Allemands dans leur supériorité m’avait attristé d’abord, mais je me disais maintenant : Prends une connaissance riche et forte de ton pays ; tu es conditionné de naissance pour la posséder, comme eux pour abriter une image hors pair de l’Allemagne. Aux nuages du Brocken on peut imposer des reflets, mais qui pourrait dénaturer la conscience ? Elle projette nécessairement ces idées que les pères lèguent aux fils avec leur structure profonde.

« Mon cher Sturel, je ne trahirai pas l’honnête homme de la Seille dont je porte le nom, ni la longue suite des humbles qui vivent en moi ; je ne renierai pas mon caractère lorrain ni l’idéal français qui proteste avec tout mon sang. Ma manière de sentir et de penser est légitime et vraie, selon la science comme selon mon grand-père, puisqu’elle est selon mon organisme, et j’ai pour devoir de persévérer dans l’être, c’est-à-dire en tant que Français.

« Je suis content de m’être plongé dans la pensée allemande. Parfois sa vague faillit m’entraîner, parfois aussi je perdais la respiration, mais j’ai touché son sable de fond. — Le Corps universitaire en Allemagne est tout acquis à la politique bismarckienne et aux vues impériales ; des professeurs éminents n’ont pas de peine à remplir ces étudiants naïfs et robustes d’une foi vive dans la supériorité absolue des races allemandes sur les races latines. — Pour