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« PARAÎTRE OU DISPARAÎTRE, MON GÉNÉRAL ! »

Dans la cour de l’hôtel, les postulants piétinent, anxieux de leur sort. D’heure en heure, un des grands patrons, le teint animé, apparaît, entraîne un de ses hommes :

— Pas moyen pour Grenelle. Que diriez-vous de la Bastille ?

Voici que Rochefort, en dépit d’une mer houleuse, débarque de Londres. Tous debout acclament son entrée dans la salle des délibérations. Son concours apporte à la liste le ton qui plaît à Paris. L’Intransigeant et la Ligue des Patriotes : toute une démocratie qui va des blanquistes aux plébiscitaires et qui retrouvera la majorité du 27 janvier. Nous entrerons à l’Hôtel de Ville et Paris entraînera la France. Espérons fraternellement ! Il ne faut pour le succès que notre bonne entente. Et vraiment, en toute hypothèse, il y a lieu d’ajourner nos rivalités, car le succès satisfera les exigences de chacun ou bien l’échec nous laissera des facilités amples et immédiates de nous dévorer les uns les autres.

Mais quel éclat soudain du Général ! Sa voix monte, sa main frappe les bras de son fauteuil. Lui, toujours si maître de soi, quel intérêt trouve-t-il à fournir le spectacle d’une pareille colère ?

C’est Francis Laur qu’il invective… Quoi ! cet ami de la première heure qui ne le contraria jamais que par ses excès d’affection !

On discutait sur le septième arrondissement. Laur a proposé la candidature de Drumont… Edouard Drumont, vous savez bien, railleur de livres contre les juifs… Ce petit homme de Francis Laur, à la barbe en pointe, aux yeux bleus, qui va d’habitude si paisible avec ses poches bondées de journaux dans un