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L’APPEL AU SOLDAT

— Tu badines, répondit l’autre. Intelligent comme je te connais, qu’espères-tu désormais de votre coalition hybride ? Tes braves électeurs parisiens manifestent toujours ? En quatre années tu les verras se calmer. Ce n’est pas que j’éprouve la moindre hostilité contre ce pauvre Général. Je persiste à croire que, nous autres radicaux, nous devions utiliser sa popularité et qu’en le lâchant Clemenceau nous a diminués. Mais enfin il a été rejeté aux aventuriers. Voilà pour quelle raison je n’ai jamais été boulangiste. Sturel montra un étonnement où le dégoût se mêlait à l’admiration. Quant à Nelles, il avouait une profonde désillusion. Décidément, il estimait peu Boulanger.

— Enfin, disait Sturel, on peut évaluer à cent cinquante le nombre des députés nommés simplement par Constans.

— Qu’est-ce que ça prouve ? répondaient-ils. Que Constans est le plus fort.

Ils admiraient infiniment Laguerre.

— Mais quoi ! il voudrait installer les boulangistes sur les bancs du centre pour les grouper de droite et de gauche ; les places manquent. Matériellement, vous êtes déjà disloqués.

Renaudin leur signala Bouteiller, qui s’avançait. Tous se turent. Le fameux député de Nancy, avec une redingote poudreuse, un pantalon qui marquait les genoux, une figure grave et verdâtre, traversa la salle Casimir-Périer. Rien qu’à le voir et d’après son regard, qui ne s’arrêtait pas plus sur ses collègues que sur les huissiers, on apprenait à ne pas confondre un homme d’État et de simples hommes d’arrondissement. Son élection, enlevée à force de talent, de