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CHAPITRE XVI

LA PREMIÈRE RÉUNION DE JERSEY

À la fin d’octobre et dans cette période qui précède la rentrée, quand les nouveaux élus, enivrés et candides, s’en vont à la questure choisir leurs places de séance, Suret-Lefort, député radical de la Meuse, Renaudin et Sturel, députés boulangistes de Paris, se rencontrèrent au Palais-Bourbon. Le baron de Nelles, député conservateur de la Haute-Marne, les guidait à travers les salons : il leur indiquait les usages et nommait, au hasard des rencontres, les collègues et les journalistes. Sturel suivait sans amour ni curiosité. Il se jugeait délégué pour balayer tous ces gens-là ; il se fût défini un député pour coup d’État, pour « coup de chien » (car son vocabulaire déjà se gâtait de vulgarité) ; il vivait en esprit à Jersey.

Le Général Boulanger, toujours soumis a la légende hugolâtre, venait de s’installer dans cette île où sa diminution d’argent et de prestige se feraient moins sensibles, pensait-il, qu’à Londres. Il convoquait tous les élus du parti pour le 8 novembre. Sturel pensa que Suret-Lefort se rendrait à l’invitation.