Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
415
BOULANGER S’ESSUIE LE VISAGE DEVANT STUREL

— Mais je ne veux pas de candidature, mon Général.

— Il le faut.

— Certes, mon Général, je vous suis complètement dévoué, mais les habiletés électorales ne sont pas mon affaire. J’ai horreur des chicanes, des polémiques, de tous les petits combats irritants. Surtout je me sens mal à l’aise de discuter en cachant mes idées. Dans une élection, il s’agit de plaire à la majorité, et non pas de publier la vérité nationale. Ah ! cette vérité nationale, si vous vouliez jamais, par une action un peu brusque, vous mettre en position de la servir, c’est moi qui solliciterais d’assumer à vos côtés une part des responsabilités morales et des risques immédiats ! Je comprends pourtant la discipline que vous nous donnez ; il faut marquer les divers moments dans un raisonnement : nous demandons aujourd’hui qu’on rende la parole au peuple ; ensuite, nous formulerons cette parole et ce que la nation doit désirer. Eh bien ! réservez-moi pour ce second boulangisme, le vrai !

Boulanger écoutait avec une parfaite attention : c’est la plus délicate des flatteries et qui permet ensuite de contredire sans offenser. Il répliqua :

— Il faut accepter. Quand nous aurons la majorité à la Chambre, rien ne sera terminé ; le Sénat nous refusera la révision ; j’aurai besoin de bons Français à mes côtés.

Naquet intervint. Il voulait que leur ami Sturel fût initié à la situation. On n’avait rien à reprocher aux conservateurs, mais plutôt, d’une façon qu’il allait dire, aux partisans du Général. M. Auffray avait apporté la liste des circonscriptions que le