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L’APPEL AU SOLDAT

— C’est un risque, je ne m’y arrête pas.

Et, Sturel se scandalisant, il poursuivit :

— J’ai tout osé et je suis prêt à redoubler pour le Général. Impossible de reculer avec les haines que mon dévouement m’a values. Mais, lui aussi, il faut qu’il marche. En guerre, on tire sur les fuyards. Son refus de rentrer serait une trahison !

— Alors tu t’accommoderais avec la droite qui l’aurait étranglé ?

— Sauve qui peut ! répondit Renaudin. Je sens tout craquer et c’est bien heureux qu’il ne le croie pas ; il nous plaquerait.

Ces laides férocités ranimèrent l’affection de Sturel pour son Général. Dans le cab rapide qui les emportait à travers Londres, il écoutait mal les plaintes de Renaudin. Le journaliste n’obtenait pas de Dillon l’argent nécessaire à sa campagne électorale ; ayant jeté son dévolu sur une circonscription sûre de la banlieue et, pour couper toutes chances à ses concurrents boulangistes, il voulait immédiatement commencer sa campagne.

— Tu devrais me rendre le service d’en parler à Boulanger, conclut-il. Il me faudrait 20.000 francs.

Il parlait, certes, avec grossièreté, mais tout de même son égoïsme s’accordait avec l’intérêt du parti ; pour conquérir le pouvoir, il faut de ces jeunes féroces, et Sturel qui craignait le manque de candidats lui souhaitait le succès.

Boulanger rentrait d’un dîner en ville, avec le vice-président du Comité national. Il vint à Sturel et lui posa une main sur l’épaule :

— J’ai causé avec Naquet, il vous a une circonscription où vous réussirez certainement.