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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

rangés par trois ouvriers militaires accompagnés d’un civil qui commencèrent à desceller le monument de Marceau. Sturel et Saint-Phlin, très surpris d’un tel travail, apprirent que le gouvernement français réclamait la cendre du jeune héros pour le Panthéon. Les pauvres gens décédés en 1871 resteront dans les glacis du fort François, mais on enlève celui dont la gloire fait tant bien que mal compensation. Les politiciens de Paris, ayant chassé un général qu’aime le peuple, prétendent distraire les imaginations avec la rentrée d’une dépouille guerrière. Manœuvre sans prévoyance ni dignité, et par là bien conforme à l’ensemble de notre politique mosellane[1].

— Voilà ! dit Sturel à son ami, en regagnant leur hôtel sous le plus chaud soleil de midi, voilà un fait qui vient se placer au bout de nos réflexions tout naturellement comme un majestueux point d’orgue. Quelque sens que lui donnent nos professionnels de l’éloquence, c’est un déménagement sans esprit de retour et déterminé par le désir d’amoindrir une force nationale. Mais ils auront beau faire ! Vive Boulanger ! Lord Randolph Churchill, à qui tu le comparais dans une lettre que je lui ai lue, le fait dîner cette semaine avec le prince de Galles.

Il fallait songer au retour. Saint-Phlin avait promis à sa grand’mère de ne pas la laisser seule plus de huit jours ; Mme  de Nelles rappelait Sturel ; lui-même voulait passer à Londres. Mais quels renseignements précis apporter à Boulanger ?

— J’aurais tout de même dû visiter les comités de Nancy et de Saint-Dié.

  1. Ce que Sturel et Saint-Phlin ignorent, c’est qu’on trouva la tombe vide. Elle avait été précédemment violée.