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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

un tout significatif comme un monument. À sa nation, il a donné successivement des poèmes où les coutumes héréditaires sont reliées à l’histoire et aux paysages, de manière à former une âme, puis un glossaire où les mots sont éprouvés et épurés, enfin, une ligue où les bonnes volontés se fortifient et s’utilisent, et maintenant cet infatigable sauveteur voudrait réunir dans un musée provençal tous les objets usuels, les humbles surtout, pourvu qu’ils soient du terroir ; Il s’est ainsi créé des intérêts importants qui lui imposent des soins agréables et ne le laissent pas inactif, sans qu’ils soient tels pourtant qu’il ne puisse les embrasser dans leur ensemble. Ces œuvres d’espèces diverses semblent d’abord modestes, mais leur vérité même les propage et les amplifie, tandis qu’au service d’une conception artificielle l’homme le mieux doué s’exténue en efforts inutiles. Et pensant à Gœthe dans Weimar je prononçai son nom : quand il apparut, l’Allemagne, longtemps inondée de peuples étrangers, transportait dans sa langue des images tout à fait déplacées, et les meilleurs talents s’agitaient dans un trouble infécond parce qu’ils manquaient d’un fond national. Chez Mistral, tout jeune, il y eut une émotion quand il entendit le bourgeois, le « monsieur », railler le paysan et la langue terrienne ; il prétendit venger ces nobles dédaignés. Tout entier, il s’appuie sur cette vérité de l’histoire : « La Provence, en se donnant à la France, a bien marqué que ce n’était pas comme un accessoire à un principal, mais comme un principal à un autre principal. »

« Nous étions allés nous asseoir au petit café de la place, que connaissent tous les pèlerins de Maillane. Je vérifiai de quel respect confiant l’entourent