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L’APPEL AU SOLDAT

Gœthe et Brunswick. Il a pu s’adosser pour soutenir son sac contre cette pierre où Gœthe, peu de jours avant, venait d’appuyer son carnet de notes. S’il n’avait tenu qu’à Jean-Baptiste Sturel, dont je suis le prolongement, les destinées de ce pays auraient été fixées.

— Ton aïeul a fait pour le mieux et nous lui devons un souvenir. Mais qu’on a mal utilisé son effort ! Installer ici un département de la Sarre et un département de Rhin-et-Moselle, c’était une fantaisie sans aucun rapport avec les espérances propres de ce pays.

Sturel protestait :

— Le flot prussien a recouvert ces territoires en 1816 ; en 1870, il s’étendit jusqu’à Novéant ; pourquoi renoncer à le refouler jusqu’au Rhin ?

— Sturel, mettons-nous bien d’accord. Je ne suppose pas que tu conçoives le boulangisme comme le point de départ d’une épopée militaire ?

— J’attends du boulangisme la réfection française. Au moral et au géographique, nous voulons restituer la plus grande France !

— Écoute Sturel, tu es un Français de Neufchâteau, formé dans des conditions très déterminées. Tes idées ne valent pas comme une vérité générale autour de laquelle le monde graviterait. Pourquoi veux-tu que ce soit une fin pour la Basse-Moselle d’être française ?

— Il a fallu plus de cinquante ans pour leur faire oublier le plaisir d’avoir été Français.

— C’est exact. En 1794, nous défendions l’ensemble des idées libérales dont le principe existe dans chaque être. Mais ces peuples-ci ont gardé notre Code civil ; ils se sont organisés pour défendre eux-mêmes leurs