Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
LA VALLÉE DE LA MOSELLE

sculptures trop effacées ne produisent pas une nette impression artistique. Mais ils sentent une satisfaction, peut-être puérile, à mettre exactement leurs pas dans les pas du grand homme qui, devant cette pierre funéraire, marqua une fois de plus son goût pour toutes les formes de l’activité. À chacune d’elles, il savait trouver une place dans sa vision de l’Univers qu’il travaillait sans cesse à élargir. Gœthe traversa Igel en août 1792, quand il suivait l’armée de Brunswick, et il recueillit ses impressions dans sa Campagne de France.

— C’est un des livres les plus honorables pour notre nation, dit Sturel. Sans oublier des rapports naturels et consentis qui l’engagent avec son souverain et avec l’Allemagne, Gœthe comprend les fièvres françaises qu’assurément il n’était pas né pour partager. Il distingue quelque chose de fécond dans ces fréquents boulangismes où l’histoire nous montre que souvent notre nation affaissée trouva un ressort imprévu.

Dans ces dispositions, où les mettait le contact de Gœthe, à tout prendre avec sérieux pour en tirer de l’agrément intellectuel, Sturel et Saint-Phlin jouissaient que le pays fût riche en civilisations superposées, au point de présenter dans un espace de trente mètres ce vigoureux bloc romain, évocateur de la sagesse pratique des morts, et cimetière du goût le plus terrifiant, où des Christs émaciés et des saintes femmes en convulsions prêchent l’amour de la Douleur.

— Une chose me semble d’une qualité poétique, dit Sturel, c’est que mon grand-père simple volontaire dans l’armée de la Moselle, a pourchassé ici