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L’APPEL AU SOLDAT

ruelles autour d’une citadelle. Ses étroites maisons, qui chancellent de vieillesse les unes sur les autres, ont besoin des écus armoriaux et des saints au fronton délabré de leurs portes pour nous offrir de bonnes impressions sur leur dignité passée. Un torrent caillouteux, qui formait avec la Moselle les défenses d’eaux du rocher féodal, court au travers de la principale venelle. Toutefois, sur les remparts démolis et nivelés, une rangée de maisons modernes jouissent du bon air, du bon soleil et tournent le dos à leur vieux maître, le château, qui, pendant tant d’années, leur imposa de pénibles conditions de vie en leur garantissant une certaine sécurité. Il ne se maintient plus que par des expédients mesquins : il loge des étrangers pendant la belle saison, il hospitalise des indigents et prête ses ruines aux espaliers.

C’est bien intéressant de voir les braves jardiniers aux reins courbés et les manches retroussées, c’est-à-dire, n’est-ce pas, la race la plus paisible des hommes, seuls en mesure de tirer parti des vieux remparts. Les formidables constructions des ducs de Lorraine à Sierek et des ingénieurs français à Thionville aboutissent à favoriser d’humbles horticulteurs ou des nourrices qui, les uns et les autres, recherchent pour leurs produits « les petites Provences ».

Si l’on s’enferme dans cette observation fragmentaire, elle autorise des vues optimistes sur l’adoucissement des mœurs en Occident. Mais Sturel et Saint-Phlin, placés par leurs émotions de Metz au seul point de vue français ressentaient douloureusement la puissance d’oubli des peuples.