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L’APPEL AU SOLDAT

Stanislas ! le régisseur du duché pour le compte de la France ! le Polonais ! Ah ! le mépris irrité de Saint-Phlin ! Il rendait ce Leczinski responsable de Louis XVI, un lourdaud, de Louis XVIII, fait pour la petite cour de Lunéville, de Charles X, un Slave, il lui reprochait d’avoir plus qu’aucun, par son sang polonais, différencié les Bourbons et la France.

Sturel souriait :

— On lui doit la place Stanislas, où rien n’est laid, ses grilles, les petits pavillons de Héré, la porte Royale, les places de la Carrière et d’Alliance, qui font de Nancy une ville excellente.

— Je ne conteste pas ces jolies choses, disait Saint-Phlin, mais, après avoir examiné un détail, il faut remonter sur la hauteur et toujours garder une vue d’ensemble. Sont-elles nécessitées, ces élégantes constructions, par notre développement national ? Reconnais-les pour un accident et le caprice d’un étranger, indigne souverain qui se borne à régner avec sa truelle comme aujourd’hui un riche banquier dans son domaine. Derrière ces portants de théâtre, l’État, relégué, dédaigné, périssait. Tout ce que Stanislas installe chez nous m’est odieux, Sturel, en tant qu’importation qui recouvre et étouffe notre nationalité. Sa petite cour de Lunéville, médiocre parterre transplanté de Paris sans racines, gâte l’atmosphère et notre esprit indigène. Les départements des Vosges, de la Moselle, de la Meurthe, de la Meuse, avec la civilisation qu’ils nous représentent, ont été construits sur nos monuments démantelés, sur nos institutions abolies, sur tout ce qui représentait d’anciennes et vénérables conditions de la vie proprement lorraine. Installé avec des moyens