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L’APPEL AU SOLDAT

— Très bien !… Alors ?

— Alors je sens diminuer, disparaître la nationalité française, c’est-à-dire la substance qui me soutient, et sans laquelle je m’évanouirais. Il faut reprendre, protéger, augmenter cette énergie héritée de nos pères. Et pour cette tâche, sans m’enfermer dans aucun parti, je fais appel à la bonne volonté de tous mes compatriotes.

— Très bien, Sturel ! la nationalité française, une énergie faite sur notre territoire de toutes les âmes additionnées des morts ! Mais, ton moyen ? En 1806, la Prusse, à qui tout manquait, gardait son loyalisme : le devoir n’était pas trouble ; on se ralliait au service de la reine Louise. Chez nous, c’est moins simple. J’entends bien que tu cries : « Vive Boulanger ! » je comprends l’expédient et je suis prêt à joindre à ton vivat le mien. Mais son nom à un sens moins net que le nom du plus médiocre représentant d’une dynastie nationale. Ma grand’mère te demande de lui définir Boulanger. La difficulté reste entière : nous voilà excités, je l’accorde, mais toujours privés d’une connaissance commune de nous-mêmes… Votre programme est beau : union nationale autour d’un général patriote ! Mais vous rendez-vous compte des conditions dans lesquelles cet état d’esprit social pourrait se substituer à notre anarchie ?… Les mots vous suffisent parce que vous vivez à Paris et dans un milieu qui, à force de haïr le parlementarisme, tend à lui ressembler, — d’après la loi constante que nous ressemblons à ceux que nous détestons au point de ne jamais les perdre de vue. Plutôt que du boulangisme, vous faites du naquettisme. Un mouvement qui avait son principe dans le fond de la na-