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L’APPEL AU SOLDAT

il conspira avec Babeuf. Est-ce une complaisance qui lui permit de s’évader ? Il s’embarqua pour les Indes, fit la guerre aux Anglais dans les îles Canaries, puis, après Fructidor, rentra dans son pays où les Anciens et les Cinq-Cents lui votèrent une forte indemnité. Sous-préfet de l’Empire à Sainte-Menehould et chevalier de la Légion d’honneur, député aux Cent Jours, il échappa aux recherches actives de la police d’État sous la Restauration. D’abord caché dans des carrières abandonnées près de Sainte-Menehould, puis garçon d’écurie à Saint-Denis, puis ouvrier bottier à la suite de la Légion des Hautes-Alpes, il vivait à Mâcon, avec une concubine, sous le nom de Merger, quand la mort le frappa, en 1824, rassasié sans doute des hommes. Son fils le renia. — Enfin l’ensemble des Varennois signalés au cours de cette nuit devaient être récompensés en argent, d’après un vote de l’Assemblée nationale ; mais, devant les jalousies, les menaces, toutes les ébullitions d’une population qui ne reprenait pas son niveau, ils durent se dessaisir en faveur de la commune. On essaya une distribution publique de cet argent ; les plus forts l’empoignèrent : ton grand-père, Henri, vit cette bataille sur la place de Varennes. C’étaient de grandes anarchies. Voilà pourquoi le souvenir de ce temps demeurait pénible à chacun dans mon enfance.

— Écoute ma grand’mère, dit Saint-Phlin. Elle ne pardonne pas l’anarchie, mais elle n’est pas de ces personnes qui s’attendrissent sur le roi, la reine, les petits-enfants.

— Comment ! dit la vieille dame, peux-tu croire que j’approuve la guillotine ?