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UNE SURPRISE DE PREMIER AVRIL

nations d’un amant, supposez-lui l’état d’esprit d’un général d’Afrique : « Ils n’oseraient, s’écriera-t-il ; les bons Français me délivreront. » Et demeurant à Paris, il courra les chances que l’historien même prudent peut préjuger. Elles eussent été au total infiniment supérieures à celles qu’il trouva hors frontières. De l’enceinte fortifiée où les parlementaires l’auraient enseveli vivant, il eût agité chaque bourgade. Boulanger qui n’aurait dû quitter Paris, cette résolution fût-elle la sagesse même, qu’avec des larmes sur les joues, se sentit heureux de faire un tel sacrifice à sa maîtresse. C’est toujours l’amour, « égoïsme à deux ». L’imprudent, peu à peu, s’allait mettre dans l’impossibilité de vivre sans Mme de Bonnemains.

Certaines personnes pensent qu’entouré de mouchards, il ne pouvait circuler incognito. Trois fois déjà, il est sorti de France à l’insu de sa filature : quand il commandait à Clermont, il a visité à Prangins le prince Napoléon ; après la triple élection, il s’est promené au Maroc ; et quinze jours avant son départ définitif, le 14 mars, il vient de passer vingt-quatre heures à Bruxelles. M. Constans tient mal en main son personnel. Le 1er avril au soir, le général Boulanger étant installé dans le train pour Bruxelles, la gare du Nord télégraphie à M. Lempereur, commissaire spécial de la gare frontière à Feignies, « d’avoir à prendre ses précautions ». Était-il couché, comme il l’a prétendu dans la suite, et l’inspecteur de service négligea-t-il ce télégramme ? On croit plutôt que celui-ci prévint celui-là, qui ne bougea pas. Quoi qu’il en soit, à la suite d’une enquête menée par M. Isaac (de Fourmies), alors sous-préfet