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UN SOLEIL QUI VA BIENTÔT PÂLIR

ou non en liberté, il tombera aux élections, comme le fruit mûr se détache de l’arbre.

— Enfin, Général, qu’allez-vous faire ?

— Continuer à recevoir le mardi, le jeudi, le samedi, toute la matinée et tout l’après-midi. Les autres jours, monter à cheval, de neuf heures à onze heures, et recevoir seulement de trois à sept heures À huit heures, tous les jours, dîner en ville.

— Avouez, mon Général, que vous ne serez pas fâché de vous reposer en prison ?

— Vous avez raison. On me mettrait à Mazas… Et puis après ? Il faudra bien me juger. Or, la meilleure preuve qu’il n’y a rien contre moi, c’est qu’on n’a encore rien trouvé. Quel homme sain d’esprit peut déclarer qu’un candidat, par le seul fait d’exposer un programme anti-gouvernemental, attente à la sûreté de l’État ? Arrêtera-t-on tous les candidats non officiels ?

— Déroulède disait tout à l’heure qu’il écrirait en prison des chansons de lisière.

Naquet, cependant, très entouré, préparait à l’inévitable par une ingrate besogne de propagande.

— À mon avis, le Général doit préférer à la prison la Belgique. Les paysans et les ouvriers diront : « C’est un malin qui a joué le tour aux gendarmes ; il est plus fort que le gouvernement. »

Cette thèse soulevait des protestations presque unanimes.

— Boulanger n’est pas un homme à s’en aller !

Renaudin, de qui le vin de Champagne exagère encore la mauvaise éducation, embarrassait par ses arguments le sénateur. Un bonapartiste le prit à part, lui serra le bras, jeta quatre coups d’œil