Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
UN SOLEIL QUI VA BIENTÔT PÂLIR

joyeuse et disparate, faite d’hommes qui s’étonnent les uns les autres de se rencontrer : « Vous ici ! Tout le monde, alors ! » C’est bien une nouvelle étape du parti. Il y eut le boulangisme primitif, pauvre, républicain, rêveur. Il s’agissait d’exciter le pays pour qu’il trouvât la force de briser les systèmes. On crut recevoir une nouvelle vie. Dans ces temps héroïques, le général Revanche fut beau par sa foi dans la nation ; il lui donnait l’armée pour base. Après cette première maigreur d’énergie, on vit une élite hardie qui donnait une voix politique à cette France enfiévrée ; elle pénétrait dans les salons réactionnaires pour y lever des troupes et de l’argent, elle risquait ainsi de transformer son tempérament, mais avec des éléments de premier choix. En moins d’une année, un nouvel état d’esprit vient d’apparaître ; on dirait d’une autre génération. Résultat fatal des victoires ! Après le 27 janvier, le malheur, comme un massage qui débarrasse le corps d’un homme mûr, rajeunit le parti parlementaire, restitue la prépondérance à ceux qui le fondèrent et qui gardent sa tradition ; cependant le boulangisme se charge. Les muscles du premier temps sont encombrés de graisse. Ainsi une armée se diminue par ses bagages trop enflés. Ces recrues font un parti à la fois riche et besogneux. Nulle d’elles ne sera jamais autre chose que son propre soldat. C’est au succès, non au principe, qu’elles se rallient. Elles attendent tant de choses qu’il faudra bien les mécontenter à l’heure des répartitions, et leurs concours ne la hâteront guère. Elles cherchent un appui, n’en apportent aucun. Elles ne se chargent pas de défendre ou d’organiser le boulangisme ; elles exigent d’en tirer profit. Au moindre fléchisse-