Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
L’APPEL AU SOLDAT

les noyer sous l’océan général de leurs infamies.

Les chemins de fer du Sud, le renouvellement des Conventions, le Crédit Foncier dissipant son argent à des subventions, voilà des affaires à instruire. La Compagnie de Panama vient de suspendre ses paiements. Sturel a vu rue Caumartin des hommes qui pleuraient, tandis que les femmes en fureur tapageaient. Il demanda la permission de lire une lettre d’un ami comme témoignage sur l’état d’esprit dans l’Est :

« Vous voyez mal le boulangisme, à le voir de trop près, lui écrivait Saint-Phlin. Je voudrais que tu vinsses ici écouter mon fermier, ses valets, les paysans, un tas de braves gens. Le Général a l’appui tantôt des chevau-légers de la monarchie, tantôt des ennemis de la société ; dans ce rôle, il n’est pas conforme à l’image que se font de lui ses admirateurs réfléchis et le peuple, son inventeur. Il lui appartient de faire pour le parti conservateur quelque chose d’analogue à ce que fait en Angleterre lord Randolph Churchill… Garder les traditions nationales et prendre en main, non pas les intérêts des privilégiés, mais de la nation même. Assez de déclarations dans les journaux que des millions de Français ne lisent guère : un acte parviendrait jusqu’ici. Boulanger au pouvoir devrait immédiatement entamer le procès des hommes, quels qu’ils soient, qui ont collaboré à l’escroquerie de Panama. Il peut au moins demander la lumière. L’objection, c’est qu’il collaborerait à l’œuvre révolutionnaire en dénonçant comment notre société fait les affaires. J’appelle cela de la bonne conservation sociale. Qu’il prenne en main les intérêts de onze cent mille petits prêteurs portés sur ce