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L’APPEL AU SOLDAT

tachées de vert, de rouge et nommées d’une façon amusante « tulipes perroquet », ils étudiaient, une fois de plus, leurs raisons d’aimer Sturel, quand celui-ci entra. Son jeune visage apportait du dehors un tel bonheur que sa maîtresse immédiatement souffrit de jalousie contre Boulanger.

M. de Nelles revint de la Chambre avec ses poches bourrées des journaux du soir. Ils contenaient des atrocités : Renaudin, craignant de partager les bénéfices du succès avec tant de malins qui certainement allaient se rallier, jurait que les boulangistes seraient implacables dans la victoire et que « le peuple ne pardonnerait pas à l’oligarchie parlementaire ». Il signalait, à la date du 17 janvier, une pétition aux députés et une plainte au parquet tendant l’une et l’autre à obtenir le bilan des fonds encaissés par la Compagnie de Panama, et l’état des sommes utilement dépensées. Il demandait des poursuites contre les administrateurs et contre les corrompus.

— Une mauvaise action — disait Nelles de cet article. — Le Général a beaucoup d’amis, beaucoup plus qu’il ne croit… À la Chambre, cet après-midi, je voyais tout le monde, sauf quelques idéologues, disposé à accepter les volontés du pays, mais qu’il empêche les bêtises autour de lui !

— Tout de même, dit Sturel, des poursuites en corruption contre le Parlement ! quelle formidable machine de guerre !

Rœmerspacher fait d’autant plus le professeur que Mme de Nelles l’écoute :

— Prenez une grenouille avec un appât de drap rouge ; coupez-lui une patte : vous pouvez la rejeter à l’eau et lui présenter le même drap rouge, elle se