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LE POINT CULMINANT

magnifique état, mais l’indigence des principes empêche qu’on aboutisse à un programme positif. Le général Boulanger, tout au net, manque d’une foi boulangiste qui se substitue dans sa conscience à l’évangile dont vit le parlementarisme.

Il rompt ce débat décisif, se dérobe aux obsessions de ces patriotes clairvoyants pour retourner aux fidèles qui veulent lui serrer la main. Enivrés par les grandes satisfactions théâtrales du jour, ceux-ci prolongent des occupations de candidat et ils distraient le Général avec l’expression de leurs dévouements individuels, quand son devoir, c’est maintenant de répondre au sentiment exprimé de Paris.

Parmi ce troupeau, Sturel, le cœur baigné dans du sublime, contemple son Général, écoute ces communards et ces « badingueusards » mêlés, qui gardent la tradition « des plus fortes journées du siècle ». Il n’est pas homme à se désillusionner au contact de ceux qui, à distance, l’ont intéressé ; sa puissante imagination se fixe sur cet état-major électoral et trouve des raisons réelles d’admirer. Eux sans doute, émoussés par les longs accidents de la vie, ne distinguent pas ce jeune homme. Dans son regard ardent, plein de désirs obscurs, ils discerneraient qu’on attend, qu’on exige, après tant de caresses, d’aboutir, et que ce patriote accourt pour voir se former, cette nuit, un organe, le cœur d’une France nouvelle.

Dans cet instant, Renaudin entre avec violence, les vêtements défaits. Il apporte les totaux du Général élu par 244.700 voix avec 81.550 voix de majorité. Ces chiffres, qu’il proclamait, ont soulevé sur son passage d’immenses acclamations. Il a vu les agents