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L’APPEL AU SOLDAT

— Vous êtes arrivé au point d’intersection, au sommet, mon Général !

À tous leurs plans d’action immédiate, Boulanger répondit :

— Et si j’échouais ? Je serais impardonnable d’avoir gâté par un caprice, qui ne rentre pas dans notre méthode, une campagne si magnifiquement conduite. Vous dites que je réussirais ; je le crois ; mais pourquoi voulez-vous que j’aille conquérir illégalement un pouvoir où je suis sûr d’être porté dans six mois par l’unanimité de la France ?

Les trois affirmèrent que cette crise, ces magnifiques moments ne pouvaient durer :

— Un grand pays comme la France ne s’offre pas davantage ; on le prend par un suprême effort, dans un risque.

Boulanger s’obstinait :

— Si le prince Louis-Napoléon avait eu la patience d’attendre un nouveau verdict populaire, il eût épargné à sa mémoire les massacres de Décembre. L’Empire est mort du Deux-Décembre.

« Il en a d’abord vécu pendant dix-huit ans ! » se dirent, les trois boulangistes.

Un trait principal de Déroulède, c’est de ne point admettre une volonté qui lui résiste. Il attaque de front, de flanc et s’acharne :

— Mon Général, je ne vous demande pas de marcher sur l’Élysée ; les actions de nuit sont dangereuses. Je vous dis : « Venez demain à la Chambre ; nous tenons encore nos cadres électoraux, nos comités ; nous aurons vingt mille hommes convoqués : il en viendra deux cent mille. Montez à la tribune. Demandez la Dissolution, la Révision. On vous