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L’APPEL AU SOLDAT

réveilla autoritaire. Gambetta traitait ses collègues de sous-vétérinaires, et dans l’intimité déclarait la Constitution de 1852 la mieux appropriée aux Français. Dorénavant Bouteiller tiendra le parlementarisme pour une façade derrière laquelle il faut installer une dictature occulte.

Et pourtant, avec une violence croissante, il exècre le boulangisme et Boulanger.

C’est que, plus profond que leurs critiques au gouvernement des assemblées, quelque chose diffère chez ces deux hommes. S’ils se croisaient à la Chambre et s’ils se regardaient, ils se sentaient déjà ennemis. Ils le demeureraient quand il ne s’agirait pas d’appliquer un système social. Réunis pour manger gaiement et pour causer, ils se heurteraient sur tous les points. On croit avoir beaucoup fait de s’accorder sur des principes ; ils ne valent qu’animés par l’homme qui les adopte. Bouteiller et Boulanger sont de physiologie différente, l’un forte bête de proie, l’autre avide de plaire. Ils rallieront les partis, ou mieux, les tempéraments à leur ressemblance. Le brillant soldat et ses enthousiastes partisans inspirent un tel mépris au grave professeur, défiant de toute popularité, que jusqu’à cette heure il eût senti une sorte de diminution à les combattre directement. Jusqu’en 1888, Bouteiller a pensé que, si la presse et le gouvernement voulaient s’occuper de choses sérieuses, faire aboutir le Panama et amorcer les vastes plans lessepsistes, le boulangisme disparaîtrait par son propre néant, comme un cerf-volant se précipite sitôt qu’on a cessé de lui fournir un point d’appui en lui résistant. « Encore ! — disait-il en lisant les journaux tout remplis de ce fracas —