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BOUTEILLER ET LE PARLEMENT

croit ne considérer que la chose publique, et la confondant avec ses intérêts il atteint au plus implacable égoïsme. Il connaît sa faiblesse, dans l’intrigue des portefeuilles, de ne pas être un sympathique. Mais voici son raisonnement : « Dans un gouvernement monarchique, c’est presque une nécessité de plaire au Prince ; dans un régime démocratique où l’on ne peut pas compter sur la reconnaissance des hommes qui se succèdent au pouvoir et qui n’en tiennent que des morceaux, l’essentiel est de se rendre, sinon indispensable, du moins utile. Passer pour intègre et compétent dans les services de l’État. »

Ce qui vient d’accentuer ainsi ses traits et de le porter à cette étape plus avancée dans sa voie naturelle, c’est qu’il prévoit l’effondrement du Panama.

Si difficilement achetée du Parlement, l’autorisation d’émettre des valeurs à lots est venue trop tard. Elle n’a produit que 225 millions au lieu de 720 que l’entourage de Lesseps escomptait et qui n’auraient pas suffi. Bouteiller a tout espéré pour la République et pour lui-même des plans lessepsistes ; leur faillite probable l’inonde, le corrode d’amertume. C’est le bol de vitriol en pleine figure qui, sans le tuer, le marque pour jamais. Et puis les moyens de propagande qu’il ne s’attardait pas à critiquer quand ils promettaient le succès l’irritent maintenant.

Inquiet du scandale possible et désillusionné sur le résultat, Bouteiller se reporte aux causes. Il les voit dans la timidité des pouvoirs publics qui ne saisirent pas l’heure de l’intervention décisive.

Ce parlementaire, comme tous ceux qui ont essayé d’obtenir de nos Chambres quelque œuvre réelle, se