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L’APPEL AU SOLDAT

coup de poing dans la figure, lui enveloppe la tête avec le capuchon d’ordonnance et le tire par derrière d’une telle secousse qu’il le plie sur les genoux. Le maintenant renversé, assis en quelque sorte, il s’acharne à frapper. L’agent crie : « Au secours ! » et puis : « Grâce ! grâce ! » et cherche, en même temps, à saisir son sabre que son assommeur lui brise d’un coup de pied. Le dessinateur s’était sauvé. Aux cris terribles, on accourt, on saisit l’acharné, on lui arrache sa victime. Il a dit depuis « qu’il était trop heureux de taper pour consentir à le lâcher, malgré qu’il eût bien le temps de fuir. » Le rassemblement grossit, et plusieurs personnes se proposaient comme témoins, quand Fanfournot, passant par là, et qui n’avait rien vu, proteste : « N’ayez pas peur, dit-il au mécanicien, je suis avec vous. » Tous s’acheminent vers le poste. À peine la porte refermée, un coup de poing derrière la tête étend le mécanicien sur le ventre. Et tous les agents, à coups de bottes, lui infligent un passage à tabac sous lequel très vite il n’essaie même plus de résister. Au bout de dix minutes, le brigadier commande : « Laissez-le tranquille. » Sa figure ruisselait de sang, son oreille était plus qu’à moitié cueillie. Alors les témoins déposèrent. Fanfournot, exalté, insulta les agents et déclara qu’arrivé plus tôt il aurait aidé le citoyen. Tous deux furent gardés et expédiés le lendemain au Dépôt.

Avec une note de commissariat particulièrement grave, on va en cellule, où quelquefois on est doublé d’un mouton. Puis il y a la grande salle où tout le monde vit en commun, et livré à la vermine ; enfin la petite section, moins dégoûtante, avec des paillasses.