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L’APPEL AU SOLDAT

et de Champigny, quand il enlevait ses hommes et tombait sur le champ de bataille ; au ministère de la Guerre, quand il gagnait les troupiers par une série de soins donnés à leur bien-être, et parmi ses électeurs, quand sur le quai des gares du Nord les masses ouvrières le sacraient ami des petites gens. Ses devoirs étaient alors plus simples que celui qu’il essaie aujourd’hui de remplir. Car il n’est pas venu dans ce salon pour réussir dans l’emploi de favori du jour, mais pour conquérir des sympathies qui lui procureront de l’argent.

Besogne dangereuse ! équivoque ! Il y risque son crédit populaire, qu’il ne pourrait d’ailleurs pas employer si les moyens lui manquaient d’entretenir des journaux, un personnel électoral, et de faire de la corruption politique.

C’est Dillon qui l’a convaincu de cette nécessité et qui le guide dans l’accomplissement. Dès son entrée dans la politique, le Général a connu cette obligation de donner des gages en même temps à droite et à gauche. D’étape en étape, devenue plus rigoureuse, elle a détruit quelque chose en lui : le repos, la tranquillité que donne une consigne simple.

Pourtant il n’est pas un homme d’analyse. Il estime toujours qu’une complication où il est engagé se dénouera fatalement de la façon la plus favorable. Sous sa paupière qui voile volontiers ses pensées, derrière son regard parfois brillant de joli homme, parfois dur de soldat, il y a dans son œil bleu une réserve de vague où ce Breton pourrait prendre les résolutions qui sortent de la politique pour ouvrir les royaumes du rêve. Si ce chef de parti néglige dans leurs détails les chances de son plan, s’il