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STUREL CHEZ LE SYNDIC DES MÉCONTENTS

— Ça ne t’amuserait pas de le voir entraîner ensemble les radicaux et les bonapartistes démocrates ? Un beau travail, pourtant, Saint-Phlin, de fusionner ces deux fractions sœurs, et qui nécessairement s’accomplira !

— L’important, — dit Sturel, convaincu qu’il conciliait tout le monde, — l’important, c’est qu’il exécute l’opération anti-parlementaire.

— Halte ! s’écria Rœmerspacher, cela, c’est autre chose : c’est une aventure ! On ne peut la tenter que du gouvernement. Y laissera-t-on jamais remonter l’homme qui éveille de pareilles idées ?

Le mot « aventure » grisa Sturel ; il le commenta, en termes ardents et vagues.

Suret-Lefort et Renaudin offrirent à leurs amis de les présenter au Général. Seul, Rœmerspacher refusa :

— Vous gardez la fièvre que nous prîmes au tombeau de Napoléon. Qu’est-ce qu’un homme ! Le boulangisme intéressant n’est pas en Boulanger ! il faudrait visiter le pays et se rendre compte de la fermentation nationale.

Saint-Phlin adopta avec beaucoup de vivacité cette dernière vue.

Le ministère compléta la mise à la retraite de Boulanger par l’acquittement de Wilson. Dans les couloirs de la Chambre, Bouteiller se félicitait de cette coïncidence :

— On a trop cédé à la démagogie ; au pays qui acclame dans Boulanger un chef, il faut montrer un gouvernement.

Cependant, ces violents coups de barre mettaient le Parlement en travers du courant, et la France se