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L’APPEL AU SOLDAT

Renaudin, bruyamment, pour affirmer son optimisme, proposait des paris, tandis que Suret-Lefort, de sa voix âpre et sèche, poussait Rœmerspacher qu’un avocat ne démonte pas.

— Tu l’aimais mieux soldat. Le voilà devenu homme politique. Que doit-il faire ?

— La révolution de Février à peine accomplie, Louis-Napoléon arrivait à Paris, puis il repartit pour l’Angleterre attendre son moment. Pourquoi Boulanger ne se tairait-il pas jusqu’au trimestre qui précédera les élections générales ?

— Alors ! — dit Suret-Lefort, avec la fatuité d’un président de conférence Molé, — tu penses qu’il peut nous prendre, nous laisser et nous retrouver à ses heures ?

— Si c’est de vous autres politiciens qu’il s’occupe, qu’il aille tranquillement s’asseoir au milieu du parti radical.

— Clemenceau, intervint Renaudin, ne veut plus de Boulanger.

— Clemenceau n’a aucune qualité pour excommunier, et, très vite, il serait obligé de marcher avec et derrière Boulanger. Pour le Général, au Parlement, le radicalisme fait le seul terrain d’attente.

— Comment, Rœmerspacher, — dit Saint-Phlin avec une douleur très réelle, — tu voudrais faire de Boulanger un simple radical ? Pourquoi, dès lors, s’intéresser à lui ?

« Allons ! bon ! » se dirent dans un regard Rœmerspacher et Suret-Lefort, « le voilà qui introduit le point de vue moral ! » Et le jeune historien plaisantant son ami :