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VI
DÉDICACE

barbares était un opuscule patriotique, et Un homme libre une brochure éminemment républicaine.

Pour moi, bien que j’aie toujours été aussi anti-boulangiste que possible, pour des raisons très simples qui me paraissent très fortes et qui n’ont rien de littéraire, je prends aisément mon parti de votre succès, par amitié pour vous et principalement par curiosité ; et je sens que je vous suivrai, dans votre nouvelle carrière, avec le plus vif intérêt.

J’ai bien été un peu surpris, tout d’abord, de votre sympathie pour un homme de qui devaient vous détourner, semble-t-il, votre grande distinction morale et votre extrême raffinement intellectuel. Je ne croyais pas non plus, quand j’ai lu vos premiers écrits, que la politique pût jamais tenter un artiste aussi délicat et aussi dédaigneux que vous. Mais, en y réfléchissant, je vois que vous êtes parfaitement logique. Vous rêviez, dans votre Homme libre, la vie d’action, qui vous permettrait de faire sur les autres et sur vous un plus grand nombre d’expériences et, par là, de multiplier vos plaisirs. Vous avez pris, pour y arriver, la voie la plus rapide. Peut-être, d’ailleurs, éprouviez-vous déjà ce « besoin de déconsidération » que vous louez si fort dans votre méditation ignatienne sur Benjamin Constant.

Votre aventure n’est point commune. Je ne prétends pas qu’il n’y ait jamais eu que des illettrés dans les Chambres françaises. Mais ce sera assurément la première fois qu’on verra entrer au Parle-