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prudence seraient violés. » Condorcet, d’ailleurs, ne niait pas que Louis XVI ne fût jugeable : il n’admettait pas que l’inviolabilité de la personne du roi, inscrite dans la Constitution acceptée par Louis XV dût lui assurer une impunité absolue pour tous les cas, et il concluait à sa mise en jugement pour les crimes de trahison qui lui étaient imputés. Mais, refusant à la Convention le droit de le juger, il demandait que Louis XVI fût jugé par un tribunal dont les jurés et les juges fussent nommés par les corps électoraux des départements. « Ce tribunal, ajoutait-il, doit se rapprocher autant que possible des tribunaux ordinaires et n’en différer que par une plus grande solennité, exigée par la nature même de l’accusation, et par des dispositions plus favorables à l’accusé, parce que la justice veut qu’en lui enlevant le droit d’être jugé par le tribunal commun, sa situation ne puisse en être aggravée. » Condorcet demandait en outre que, dans le cas de la condamnation, on se réservât le droit d’atténuer la peine. « Pardonner au roi, disait-il, peut devenir un acte de prudence ; en conserver la possibilité sera un acte de sagesse. » Il se prononçait, en tout cas, contre la peine de mort. « Je crois la peine de mort injuste, disait-il dans ce même discours… la suppression de la peine de mort sera un des moyens des plus efficaces de perfectionner l’espèce humaine, en détruisant le penchant à la férocité qui l’a longtemps déshonorée… Des peines qui permettent la correction et le repentir sont les seules qui puissent convenir à l’espèce humaine régénérée. »

Vous voyez que si Louis XVI fut jugé par la Convention, condamné à mort et exécuté, ce ne fut pas la faute de Condorcet. Il ne se récusa pas pourtant quand la Convention eut décrété qu’elle jugerait Louis XVI, mais ce fut